Victor Bouscavet, 1253km en 2 jours et 16 heures sur la Desertus Bikus
Une semaine après sa victoire à la Desertus Bikus devant Sofiane Sehili et Adrien Lietchi en 2 jours et 16 heures, Victor s’est confié à nous concernant son ressenti par rapport à cette première course d’ultra et cette victoire prometteuse. Entre déserts, routes et mer, son voyage initiatique en a étonné plus d’un.
AVANT LA COURSE
Est ce que tu peux te présenter un petit peu ?
Bonjour ! Je m’appelle Victor, j’ai 25 ans et je travaille actuellement à Paris dans une agence de design. J’ai grandi à Besançon, et depuis tout petit je passe beaucoup de temps à voyager et à réaliser des trekkings dans des pays variés. J’ai aujourd’hui une passion très importante pour le voyage et la découverte, qui viennent se réunir sous l’effigie du bikepacking.
Quel est ton historique, ton passif de course d’ultracyclisme ?
La Desertus est ma première course d’ultra distance. Mon premier entraînement pour l’ultra remonte à Juin 2020, où j’ai effectué un 160 km dans l’est de Paris, ce qui me paraissait beaucoup à l’époque. J’ai par la suite augmenté la distance progressivement jusqu’à deux Gravel Man de 350 km (Paris Deauville et Paris Sud 2021 route), puis deux 500 km dont un en Catalogne avec Ulrich Bartholomes.
Qu’est ce qui t’avait motivé tout particulièrement à participer à la désertus bikus ?
Je voulais réaliser mon premier 1000 km et franchir la barrière des 24 heures. Cela semblait être le défi idéal : tôt dans l’année, en Espagne avec une météo potentiellement clémente et où les conducteurs sont très respectueux des cyclistes. Malheureusement la météo n’a pas été en notre faveur cette fois-ci.
Comment avais tu préparé ton corps à la desertus ?
Ma préparation physique a été un peu compliquée ces deux derniers mois entre Covid, problèmes de genoux et une vie professionnelle très prenante. Malgré tout, j’ai pu beaucoup tester mes équipements et ma résistance aux conditions hivernales. La sortie qui m’a le plus apporté fut Rotterdam-Paris de nuit avec des températures négatives, quelques semaines avant la course. J’ai aussi passé beaucoup de temps à travailler et améliorer ma posture sur le vélo pour réduire au maximum les douleurs survenant dans la distance.
Qu’est ce que tu avais préparé dans ton setup pour la desertus? (montage, pneus etc ?)
J’ai utilisé le Roubaix Pro Team monté avec un double plateau (48/35) et 12 vitesses (10-33). En pneu, j’ai opté pour des Continental GP5000 en 32mm (qui n’ont pas crevés de toute la course), efficaces sur la route et largement satisfaisant pour le gravel non sableux. J’avais des prolongateurs pour varier les positions et un moyeu dynamo pour être autonome et libre sur la production d’électricité. De façon générale, j’ai une vraie passion pour le matériel et passe beaucoup de temps à chercher les meilleurs compromis. Chaque équipement que j’emporte avec moi est vraiment réfléchi. Pour la course, je suis allé un niveau plus loin en travaillant également l’organisation de ces équipements sur le vélo. J’ai essayé de rendre mon cockpit le plus ergonomique possible en plaçant à portée de main le plus grand nombre de rangements et de bidons. Cela peut sembler anodin mais dans le cadre d’un usage extrême telle qu’une course d’ultra distance, chaque mouvement compte.
PENDANT LA COURSE
Qu’est ce qui a été le plus dur pour toi ?
Le début dans les Pyrénées a été vraiment intense et difficile à vivre, mais la traversée du CP4 a été encore plus marquante et douloureuse. Je me suis retrouvé à marcher, à courir, pousser et porter le vélo pour continuer à avancer. Je pense que je ne m’étais pas suffisamment préparé mentalement à parcourir autant de distance dans ces conditions, ce qui a rendu plus compliqué le fait de le vivre à ces moments. Mais c’est une belle leçon pour la suite !
Qu’est ce que ça t’a fait quand tu as pris le lead ?
C’était en partant du CP2. Je ne m’y attendais pas et je ne pensais pas que j’allais pouvoir conserver ma position. J’ai gardé mon rythme et au fur et à mesure les réflexes stratégiques ont pris le relais, avec l’objectif de maintenir un écart avec les autres coureurs.
A quoi tient ta réussite d’après toi ?
Un mélange de beaucoup de préparation et d’une très forte passion et positivité. J’ai passé beaucoup de temps à me tester dans des conditions très variées, à multiplier les essais de matériels, de selles, de sacoches, de posture et d’organisation sur le vélo. Cela m’a permis de rouler avec très peu de douleurs tout en réduisant les gestes inutiles et la charge mentale liée à l’alimentation et à l’habillement par exemple. Je suis aussi resté dans une zone mentale très bénéfique, ayant été submergé d’émotions dû à la découverte de mon environnement et de moi-même.
Comment as- tu as géré les déserts ?
J’ai choisi des traces offrant le moins de dénivelé et de distance, tout en passant de nombreuses heures à vérifier la qualité des routes et leur fréquentation. Mais cela n’a pas été suffisant: mes attentes étaient trop éloignées de la réalité et c’était parfois bien plus difficile qu’imaginé. Si le CP1 est passé très rapidement malgré la section de hike a bike dans la boue, le CP3 fut à la fois exaltant et épuisant par sa difficulté, et le CP4… le CP4 était juste épuisant et remplis de doutes.
Comment as tu choisi ta stratégie de sommeil ?
J’avais prévu de dormir avec un manteau, une couverture de survie et un oreiller pour des siestes de 15 minutes ou de dormir dans des hotels repérés en avance pour des cycles de 90 minutes.
Je savais que je pouvais rouler 24h sans dormir mais aussi que le sommeil m’atteint surtout au petit matin. Pour le premier jour, pas de soucis. Il a fallu improviser pour la suite : j’ai dû dormir 15 minutes au lieu de 90 la première nuit dans un hôtel et 15 minutes de sommeil se sont imposés à moi à la sortie du CP3. Je n’avais pas trop le choix, car il ne me restait que 2% sur le téléphone, et j’avais peur de ne jamais me réveiller. Mais le reste de cette nuit fut très difficile et j’ai halluciné à plusieurs reprises sur le vélo. Dans le futur, j’aimerais apprendre à ne pas atteindre ces limites et rester en sécurité.
A quel moment as tu senti que tu pouvais gagner ?
J’ai commencé à réaliser qu’une victoire était possible peu de temps avant le CP3. Malgré l’avance, je savais que tout pouvait changer avec entre autres Sofiane et Maxime qui étaient très rapides et expérimentés. Le CP4 m’a beaucoup perturbé, je n’avais plus de batterie pour voir les trackers et j’ai commencé à avoir des doutes. Ce n’est qu’à 80 km de l’arrivée que je me suis rendu compte que j’allais gagner la course. Ça a été un moment fort et très émouvant.
APRÈS LA COURSE
Quelle est ta plus grande fierté dans cette victoire ?
Je suis allé au profond de moi et j’ai découvert de nouvelles réserves et capacités qui étendent largement ma zone de confort. Ça confirme ma volonté de m’investir dans ce sport et dans cette vie. Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai gagné !
Quels conseils donnerais- tu pour ceux qui veulent faire des temps comme les tiens ?
Je ne sais pas si je suis en mesure de donner des conseils pour d’autres mais le fait de s’entraîner par palier pour étendre sa zone de de comfort a été clé dans mon développement. Identifier les problèmes rencontrés et essayer de les résoudre dans la durée et de manière itérative. Mais surtout, accorder autant d’importance au plaisir apporté qu’à la performance.
Quels sont tes prochains projets et courses prévues ?
Je rêve de mettre le vélo au cœur de ma vie et de développer et faciliter sa pratique pour tout le monde. D’une part, je travaille sur différents projets mêlant le bikepacking et le design. D’autre part, je compte grandir et progresser au travers d’aventures et de courses d’ultra distance. À plus court terme, j’ai quelques courses de 1000km ou moins en tête, avec notamment la Pop Ouest Classic en Octobre. Il va falloir que je me libère du temps pour en faire plus !
Merci à Victor d’avoir répondu aux questions d’Harald pour Ultracyclisme.fr