Alors, où en est la place des femmes dans le cyclisme en France en 2022 ?
Elles sont 15, réunies sur une réunion zoom un jeudi soir durant la semaine de la journée internationale des droits des femmes pour discuter de la place de la femmes dans le cyclisme en 2022. Parmi elles, on retrouve l’équipe de Wilma Cycling (équipementier féminin d’habits cyclistes) représentée par Ophélie Laffuge, fondatrice, mais aussi Béatrice Barbusse (sociologue du sport et autrice), Sonja Jossifort (sociologue et intervenante en lycées) et Vicky Carbonneau (co-fondatrice des Girl On Wheels, GOW). Le format s’appelle Wilma Talk, une nouveauté de la marque pour discuter autre part que par live instagram et se voir vraiment par Zoom. Alors, où en est la place de la femme dans le cyclisme et l’ultracyclisme en France en 2022 ?
“Il faut tout d’abord, avant de parler de la place des femmes, parler de la définition du sexisme et l’expliciter” explique Béatrice Barbusse, rappelant que le sexisme n’est pas la catégorisation des sexes en tant que tel, mais bien la hiérarchisation du sexe féminin par rapport au sexe masculin dans le cas du sport. “La valence différentielle des sexes conditionne la domination patriarcale dans le milieu sportif“, cette reproduction est une des principales causes de la prévalence des hommes dans de nombreuses disciplines sportives et permet de définir le cadre dans lequel le cyclisme féminin baigne depuis des siècles. Ce sexisme, construit par les hommes comme une forme de contrat implicite entre eux (comme défini par Françoise Héritier) afin de préserver le système de domination, se traduit de nos jours par de nombreuses constatations malheureusement encore d’actualité.
Le manque de médiatisation des sports féminins (-20 % de part d’antenne tous sports confondus en 2021, seulement 12 unes de l’Equipe en 365 jours), et tout particulièrement du cyclisme et ultracyclisme féminin, engendre un cercle vicieux d’invisibilité apparente des sports féminins dans le milieu du sport en général. Ce manque d’apparition du sport femmes est la cause logique du manque de financement des structures associatives locales féminines, tout comme du manque de féminisation dans les métiers du cycle encore aujourd’hui (seulement 15% des professionnels d’après les intervenantes) et finalement du manque de disponibilité des gymnases, vélodromes pour les sports féminins et des rencontres en non mixité ou mixité choisie.
Cette médiatisation réduite a pour autre conséquence finalement le manque de modèles pour les jeunes femmes souhaitant potentiellement se lancer dans le cyclisme, la sur-représentation des hommes ayant un effet dissuasif puissant. L’apparition de modèles femmes cyclistes comme Jeannie Longo, Laël Wilcox ou encore Fiona Kolbinger dans l’ultra endurance et ultracyclisme en général étant assez tout de même récente.
Faisant le constat de cette réalité centrale, elles ont néanmoins noté ces dernières années des évolutions positives dans les tendances entourant le cyclisme féminin, notamment la disparition assez générale de l’hypersexualisation des femmes dans la communication entourant les disciplines, mais surtout la généralisation des lieux réels ou virtuels d’échange et de pratique du cyclisme entre femmes, et seulement entre femmes. En effet, la non mixité permet à beaucoup de femmes qui peuvent se sentir oppressées par le sport mixte, ou du moins pas forcément à l’aise à pratiquer avec des hommes, de s’essayer dans un cadre rassurant et bienveillant. La démultiplication des espaces de non mixité ou mixité réfléchie, courses d’ultracyclisme, bikepacking mais aussi sorties organisées par les Girls On Wheels à Paris ainsi que l’engouement nouveau des équipementiers et marques pour le cyclisme femme montre les fruits d’un combat pour la place des femmes dans le sport depuis Alice Milliat et la Fédération sportive féminine internationale.
L’organisation du premier Tour de France Femmes, du Paris-Roubaix Femmes témoigne de l’intérêt croissant des marques et médias en 2022 pour une parité accrue, malgré le taux d’inscription faible des femmes sur les épreuves mixtes d’ultra endurance et ultracyclisme (Adrienne Estrada notait 15 % au maximum de femmes sur ce genre d’épreuves). Des évolutions, certes qui prennent du temps mais qui sont positives et encourageantes pour les disciplines que nous pratiquons.
Bon, maintenant que le bilan est dressé, il ne reste plus qu’à regarder vers le futur et se demander quel chemin il reste à parcourir. Chacune des intervenantes précise ses volontés personnelles pour le vélo féminin, pour des lendemains plus paritaires et où toujours plus de femmes oseront s’essayer à l’ultradistance ou encore le cyclisme tout simplement.
- Un travail de pédagogie dans les maternelles, écoles, lycées et clubs en général est nécessaire pour :
- Identifier et définir sexisme et oppressions (pédagogie et compréhension des racines du mal).
- Déconstruire et sortir du naturalisme expliquant le sexisme par la différence physiologique.
- Démultiplier les associations et de structures militantes pour légitimer la place des femmes dans le milieu cycliste. (Donnons des elles au vélo).
- Des films et documentaires à produire et médiatiser. (“Les échappées”, rencontre en vélo cargo avec les femmes à vélo).
- Continuer à transmettre et parler du sexisme et de l’histoire du féminine dans le milieu sportif (Bibliothèque Marguerite Durand à Paris) dans des lieux dédiés.
- Donner des lieux et de la place pour que le sport féminin puisse s’exercer.
Pour continuer la réflexion, nous vous invitons à écouter quelques podcasts sur le sujet :